Lalla Badi, l’icône touarègue

Lalla Badi est une figure incontournable de la culture touarègue. Maîtresse du tendé, un genre musical qu’elle a popularisé et développé, elle a été une source d’inspiration et un soutien indéfectible pour des générations de musiciens touaregs, qui ont propulsé leur poésie et leurs guitares sur le devant de la scène internationale.

L’art du tendé 
Le tendé désigne à la fois un instrument traditionnel du peuple Kel Tamasheq (touareg en berbère) et le style musical qu’il accompagne. Ce membranophone, fabriqué à partir d’un mortier en bois sur lequel est tendue une peau de chèvre, rythme la poésie chantée par les femmes lors des assemblées festives. Dans son excellent article sur Lalla Badi, l’anthropologue Nadia Belalimat précise que : “dans un tendé accompli, des cavaliers montés sur leurs dromadaires forment un carrousel autour des femmes qui continuent de jouer, la soliste de chanter, alors que le rythme du tendé et celui des pas des montures ne forment plus qu’un.”
Au micro de RFI, lors d’une rare interview, Lalla Badi révèle que la tradition du tendé lui a été transmise par sa mère. A l’âge de 14 ans, alors bergère, elle commence à chanter et à jouer de l’instrument. Originaire de la région de Timyawin en Algérie, elle s’installe en 1973 dans la région de Tamanrasset, ville située au sud du pays à 400 kilomètres de la frontière malienne. Selon Nadia Belalimat, “elle sera la première à importer le style musical des Touaregs maliens dans le sud algérien, qui finira par dominer largement tous les autres, confirmant sa suprématie artistique. Les tendé de Lalla d’ailleurs ne vont pas tarder à emporter l’adhésion de toutes les communautés de Touaregs, à Tamanrasset comme ailleurs au Sahara.

Une icône du peuple Kel Tamasheq
Plus qu’une référence musicale, Lalla Badi devient un symbole des revendications politiques et sociales du peuple touareg. Elle soutient les rébellions par ses textes et ses chants, dont les cassettes connaissent un vif succès. Elle ouvre ses portes aux jeunes, qu’elle appelle “ses enfants”, et organise des soirées festives de tendé. A ce propos, la photographe Marie Planeille capture en 2014 la convivialité de ces rencontres dans son reportage photo “Un après-midi avec Lalla Badi”.
Sa maison, devenue un véritable centre culturel, accueille notamment des musiciens en herbe comme les futurs Tinariwen, que l’on ne présente plus. Ibrahim ag Alhabib, un des membres fondateurs de ce groupe mythique, aurait même fabriqué une guitare à partir d’un bidon et appris à en jouer dans la cour de Lalla Badi. Dans son interview, celle-ci précise qu’elle a adapté ses textes et son chant au jeu de guitare de ses apprentis : “Je jouais du tendé et eux jouaient de la guitare. Je les encourageais tellement que je chantais selon leur manière de jouer. Ce sont mes enfants. On vivait ensemble. On chantait et composait ensemble.
Nadia Belalimat parle d’un “syncrétisme” tendé-guitare : “Lalla et les Tinariwen performent ensemble dans quelques soirées et les cassettes de l’époque témoignent de la
« modernisation » du tendé ou de la veine « traditionnelle » de la guitare des Tinariwen. Les deux genres cependant ne s’excluent pas et se renforcent mutuellement.”

Lalla Badi et Tinariwen réunis à Paris en 2014
Le 13 décembre 2014, le Théâtre des Bouffes du Nord réunit sur sa scène Lalla Badi, reine du tendé, et Tinariwen, groupe culte de musique assouf (nostalgie, solitude en tamasheq), pour un moment de musique exceptionnel. L’ensemble du concert est disponible à l’écoute sur la chaîne Youtube officielle du label ANTI-Records. Il se termine en apothéose avec le “Tinde final” lors duquel Lalla Badi, entourée de ses chanteuses et de ceux qu’elle appelle toujours ses enfants, déclame son poème d’une voix puissante, accompagnée du son enivrant des guitares, du rythme hypnotique des percussions, du chœur quasi méditatoire, l’ensemble poussant tout aussi bien à la danse qu’à la transe.

Pour en savoir plus sur Lalla Badi :
La musique touarègue à la source : Lalla Badi et Tinariwen aux Bouffes du Nord le 13 décembre 2014, Nadia Benlalimat, Blog Mediapart
Rencontre avec Lalla Badi, Laurence Aloir, RFI Musique
Un après-midi chez Lalla Badi, Marie Planeille

Samira Taïbi

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