« Le port des amours » : une immersion dans l’univers de Reinette l’Oranaise

Dans le documentaire réalisé en 1991 par Jacqueline Gozland, la légende de la chanson judéo-arabe revient sur son apprentissage musical et sur le grand amour qu’elle voue au répertoire arabo-andalou.

Un destin hors du commun
Reinette l’Oranaise, Sultana Daoud de son vrai nom, étonne par sa voix et surprend par son parcours. Née en 1915 à Tiaret (nord-ouest algérien) dans une famille juive, elle perd la vue à l’âge de deux ans. Dans son entretien avec la réalisatrice, elle rend hommage aux grandes figures qui ont forgé sa formation et façonné sa carrière : d’abord à sa mère qui, voulant “voir sa fille mener une vie agréable et joyeuse”, l’inscrit dans une école pour enfants non-voyants à Alger afin d’apprendre à lire et à écrire en braille, et qui la détourne du cannage de chaises pour la conduire vers la musique. Son maître Saoud l’Oranais (Messaoud El Médioni), la prend sous son aile et lui enseigne le chant, la mandoline, et le luth dont elle ne se séparera plus. Il disait d’elle : “Mon élève est heureuse. Elle voit tout.” Mais il connaîtra le sort tragique de la déportation en 1943.
Forte de son talent et d’un apprentissage de qualité, elle devient une grande dame de la musique classique algérienne. Elle quitte l’Algérie pour la France en 1962 et remonte sur scène dans les années 1980, après un long silence et pour le plus grand bonheur de ses admirateurs, avant de s’éteindre en 1998.

Le portrait sincère d’une diva
Le documentaire, parsemé de délicieux extraits sonores et visuels du concert donné au New Morning à Paris en 1990, et des répétitions qui l’ont précédé, peint un tableau authentique et touchant de cette prêtresse qui marque par son franc-parler, son humour et sa répartie. Des scènes amusantes, notamment avec son pianiste Mustapha Skandrani en pleine préparation du spectacle, témoignent de son tempérament à la fois impétueux et attendrissant.
Des prises de vue ensoleillées de la Méditerranée et de bateaux prenant le large rappellent la thématique du déracinement et de l’exil. La simple évocation d’un retour en Algérie pousse d’ailleurs une Reinette courroucée à rétorquer : “Il ne fallait pas poser cette question. Je ne répondrai pas.” Reflet d’une déchirure que seule la musique serait parvenue à panser.

Pour aller plus loin : 
Reinette l’Oranaise, le port des amours, film de Jacqueline Gozland, 1991
Reinette l’Oranaise en images, RFI Musique

Samira Taïbi

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